Quand la passion de la vitesse se transforme en danger public

Une scène devenue habituelle
À la tombée de la nuit, les attroupements commencent. Près de la Promenade, des dizaines de jeunes se rassemblent, moteurs vrombissants, attendant le signal du départ. En face, vers le rond-point de l’ancienne piste menant à la gare routière, des curieux s’installent pour assister au spectacle. Les motos s’élancent, klaxons et cris d’encouragement retentissent, et la chaussée devient un champ de manœuvres où les risques d’accident sont constants.
« On dirait un championnat de vitesse. Mais ici, il n’y a ni règles ni sécurité », déplore un chauffeur de taxi-clando qui emprunte chaque soir le tronçon. « Ils déboulent à toute allure, zigzaguent entre les voitures et les piétons. On vit dans la peur permanente d’un drame. »
Les riverains à bout
Pour les commerçants et habitants installés le long de la route, la situation est devenue insoutenable. Le vacarme des moteurs trafiqués trouble la quiétude des familles, mais le plus inquiétant reste le danger physique. « Un enfant a failli être renversé la semaine dernière en traversant pour acheter du pain », raconte un vendeur de fruits. « Ce n’est plus supportable. »
À la gare routière, les chauffeurs de cars Ndiaga Ndiaye partagent la même inquiétude. « On manœuvre avec des centaines de passagers chaque jour. Imaginez un motard qui chute sous un bus… Ce serait une catastrophe. »
Les premiers drames
Si aucune tragédie majeure n’a encore été recensée, plusieurs chutes spectaculaires ont déjà été signalées. Certaines ont nécessité une évacuation d’urgence à l’hôpital régional de Thiès. « Ces jeunes risquent leur vie pour un instant de gloire, et c’est la société qui en paie les conséquences », regrette un agent de santé.
Une réponse encore timide
Alertée, la police a multiplié les patrouilles ponctuelles. Mais les rodéos continuent. « Ils connaissent les recoins de la ville. Dès qu’ils aperçoivent un véhicule de la circulation, ils s’éparpillent dans les ruelles et reprennent plus tard », confie une source sécuritaire. Des opérations de contrôle plus strictes seraient en préparation, notamment la saisie de motos non conformes.
Un problème social plus profond
Derrière ce phénomène se cache aussi une réalité sociale. Beaucoup de ces jeunes sont au chômage et voient dans ces rodéos une façon d’exister, de s’affirmer et de défier l’autorité. La culture de la moto, très répandue à Thiès, accentue cette tendance. Certains investissent leurs maigres économies dans des engins modifiés uniquement pour impressionner leurs pairs.
« C’est une recherche de reconnaissance, mais aussi un manque criant d’espaces de loisirs encadrés », analyse un sociologue basé à Thiès. « Tant qu’il n’y aura pas d’alternatives – circuits sécurisés, activités sportives organisées – ces jeunes continueront de transformer la route en arène. »
Un appel à l’action
Face à ce phénomène grandissant, les voix s’élèvent pour demander une stratégie plus ferme et durable :
-
Renforcement des contrôles routiers sur le tronçon Promenade – Gare routière.
-
Campagnes de sensibilisation ciblées sur les dangers de ces pratiques.
-
Création d’espaces sécurisés pour canaliser la passion des jeunes pour la moto.
En attendant, les usagers de cette route vitale, reliant le cœur de Thiès à l’intérieur du pays, vivent dans l’angoisse d’un accident grave. Chaque soir, le même scénario se répète : moteurs rugissants, cris de foule, et une course contre la mort qui ne dit pas son nom.