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L'Actualité au Sénégal

Génération Z: un mouvement de contestation exacerbé par l’effet miroir des réseaux sociaux


Rédigé le Jeudi 2 Octobre 2025 à 09:49 | Lu 53 fois Rédigé par Lat Soukabé Fall


Après avoir balayé le gouvernement népalais début septembre et secoué dernièrement les Philippines, la vague de contestation initiée par la Génération Z dépasse désormais les frontières du continent asiatique pour atteindre Madagascar et le Maroc. À chaque fois, les revendications se suivent et se ressemblent avec, en toile de fond, un sentiment d’injustice exacerbé par les images des réseaux sociaux.


Depuis 2022, l’Asie du Sud-Est est balayée par un vent de révolte qui semble à chaque fois s’accélérer un peu plus lorsque la jeunesse décide de descendre dans la rue. En 2022, il aura fallu cinq mois aux jeunes Sri-Lankais pour renverser le clan Rajakpasa au pouvoir depuis près de 20 ans. En 2024, six semaines ont été nécessaires au Bangladesh pour chasser la Première ministre Sheikh Hasina qui s’accrochait au pouvoir depuis 15 ans, quand deux jours seulement ont suffi pour faire tomber le gouvernement népalais de Khadga Prasad Sharma Oli.

À chaque fois, le profil des manifestants est le même : des gens très jeunes descendent dans les rues. La plupart n'ont guère plus d'une vingtaine d’année et ils font partie de ce que l’on considère aujourd’hui comme étant la Génération Z : ces enfants nés entre 1997 et 2012, hyper connectés qui ont toujours connu l’existence d’internet.

Besoin radical de cohérence
Si chaque pays concerné par ces révoltes a ses spécificités, les revendications de la jeunesse se rejoignent sur certains thèmes fédérateurs : dénonciation d’une corruption généralisée, refus de l’injustice et des inégalités galopantes…

« Ces jeunes, aujourd'hui, agissent sur d'autres revendications que des revendications purement politiques. Ils ont vraiment un besoin radical de cohérence, un besoin d'authenticité. Ils veulent comparer, ils jugent tout, ils voient tout, parce qu'en fait aujourd'hui, ils ont accès constamment aux réseaux sociaux, explique Élodie Gentina, professeur à l’IESEG School of Management et spécialiste de la Génération Z. Ils perçoivent aussi beaucoup les contradictions entre les promesses des dirigeants et leurs actes. Ils détestent l'hypocrisie institutionnelle, comme par exemple au Népal, où les dirigeants parlaient beaucoup de modernité, mais ont, dans le même temps, coupé l'accès à 26 réseaux sociaux. »

À Katmandou, c’est en effet le blocage des réseaux sociaux qui a mis le feu aux poudres en poussant dans la rue une jeunesse se revendiquant ouvertement comme faisant partie de la « Gen Z ». Avant cela, la colère et les appels à manifester contre la corruption ont aussi été largement alimenté par le hashtag #NepoKids. Une référence aux enfants des élites dirigeantes du pays qui n’hésitent pas à étaler leur richesse et le luxe dans lequel ils vivent sur les réseaux sociaux, dans un pays ou 20% des 15-25 ans sont au chômage.

« Les réseaux sociaux transforment des frustrations isolées en mouvement collectifs »
Car avec l’avènement de plateformes comme Instagram et TikTok qui misent tout sur l’image et notamment la vidéo, la Génération Z a désormais une fenêtre ouverte sur le reste du monde et sur la société qui agit parfois comme un miroir des inégalités et des discriminations dont elle est victime.

« Ces réseaux sociaux jouent un rôle d'amplificateur émotionnel et politique. Ils permettent de partager des images qui peuvent être inspirantes, mais aussi choquantes. Les jeunes de la Génération Z se comparent en permanence à d'autres jeunes et ils ont une sorte de modèle de comparaison directe via les réseaux sociaux. Derrière, cela crée une émulation. La logique virale des réseaux transforme ainsi des frustrations qui sont isolées en des mouvements collectifs qui deviennent extrêmement forts », analyse Élodie Gentina.

Un mouvement tellement fort qu’il a balayé le gouvernement népalais en à peine 48 heures et qu’il réveille désormais des revendications dans d’autres pays d’Asie comme les Philippines.

Au début du mois de septembre, des manifestations étudiantes, parmi les premières à avoir été qualifiées de « Gen Z » par des commentateurs, avaient également éclaté en Indonésie avant d’être violemment réprimées par le gouvernement. On y a notamment vu les manifestants se regrouper derrière le drapeau de « One Piece », qui représente un pavillon pirate affublé d’un chapeau de paille. Un symbole en forme d'allégorie, puisque dans le manga, Luffy, le personnage principal, est un combattant de la liberté en lutte contre un gouvernement mondial corrompu et tyrannique.

Des manifestants arborent le drapeau du manga japonais «One Piece» dans les rues d'Antananarivo, le 30 septembre 2025.
Des manifestants arborent le drapeau du manga japonais «One Piece» dans les rues d'Antananarivo, le 30 septembre 2025. AFP - RIJASOLO
Le symbole « One Piece » repris à Madagascar et au Maroc
À Madagascar et au Maroc, des pays eux aussi désormais touchés par la contestation, la « Gen Z » a repris le drapeau de « One Piece » à son compte, comme un signe de ralliement.

Une fois encore, leurs revendications sont avant tout sociales. À Madagascar, le mouvement Génération Z est parti de protestations contre les délestages et coupures d’eau et pour le respect des libertés fondamentales, quand, au Maroc, le collectif Gen Z 212, né sur internet, réclame une réforme du système éducatif et des services de santé publique. Les manifestants y dénoncent aussi les dépenses engagées par le gouvernement pour l'organisation de la Coupe du monde 2030 au détriment de la population. « Ce sont des demandes purement sociales. [...] Le droit à une vie digne, c’est-à-dire à l’éducation, à la santé, à un habitat décent. Et aussi, à travers certains slogans, ils réclament la fin de la corruption », expliquait au micro de RFI, Souad Brahma, la présidente de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

« Plus que contre des gouvernements, cette Génération Z se révolte en fait contre un modèle de gouvernance qui ne lui correspond plus. Elle le juge trop de vertical, trop opaque, trop lent. Cette jeunesse exige de la transparence et des résultats qui soient concrets. Elle ne supporte plus quand il y a une incohérence entre les discours et les actions », détaille Élodie Gentina. 

Alors que plus d'un tiers de la population mondiale est née entre 1997 et 2012, le poids démographique de la génération Z lui donne en tout cas aujourd'hui un argument non négligeable pour faire entendre sa voix.

En Asie, où elle représente jusqu'à 50% de la population totale, les regards sont désormais tournés vers l'Inde. Le pays le plus peuplé au monde compte aussi la plus grande « Gen Z » du continent, et des centaines de millions de jeunes ne sont pas épargnés par le chômage de masse, les inégalités et la corruption généralisée qui règnent dans le pays.


Lat Soukabé Fall

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