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Remplacement de Mamoudou Alassane Camara : une décision qui suscite des interrogations


Rédigé le Mardi 16 Décembre 2025 à 10:22 | Lu 30 fois Rédigé par


Le remplacement de Mamoudou Alassane Camara à la tête des infrastructures routières soulève des interrogations sur les critères, la méthode et les impacts techniques.


Remplacement de Mamoudou Alassane Camara : une décision qui suscite des interrogations

 

Lors du Conseil des ministres du 11 décembre 2025, le Président de la République, sur proposition de Déthié Fall, a procédé au remplacement de Mamoudou Alassane Camara, jusque-là Directeur général des Infrastructures routières et du désenclavement. Cette décision a surpris de nombreux acteurs du secteur, au regard de la réputation professionnelle et du parcours reconnu de l’intéressé.

Un profil technique unanimement reconnu

Ingénieur expérimenté, Mamoudou Alassane Camara fait partie des cadres techniques les plus respectés dans le domaine des infrastructures routières. Il totalise plus d’une décennie de carrière marquée par un parcours jugé irréprochable au sein d’entreprises reconnues telles que le groupe CSE, SOSETER et AREZKI SA.

Son expérience couvre l’exécution de projets routiers majeurs ainsi que des infrastructures hydroagricoles, tant au Sénégal que dans la sous-région.

En 2011, il intègre AGEROUTE Sénégal en tant que chef de projets, avant d’occuper successivement les fonctions de chef de la Division des grands travaux routiers, directeur régional AGEROUTE Est (Tambacounda–Kédougou), puis directeur de la gestion et de l’entretien du réseau routier.

À ce poste, ses collaborateurs relèvent sa rigueur, son sérieux et sa maîtrise des dossiers techniques.

Des décisions marquantes à AGEROUTE

Plusieurs faits illustrent son approche professionnelle. En 2014, dans le cadre du projet routier Koungheul–Tambacounda, il a contraint l’entreprise MSF à corriger des non-conformités et défendu les intérêts du Sénégal devant la Cour de commerce internationale, alors que l’entreprise réclamait 21 millions d’euros. Cette gestion a permis d’éviter ce paiement et d’obtenir, à l’inverse, un versement de 3,4 millions d’euros en faveur de l’État.

Sur le chantier Fatick–Kaolack, il a également refusé de valider une offre de reprise de travaux qu’il estimait excessivement coûteuse, et ce devant les plus hautes autorités de l’époque.

Convaincu de ses compétences, le Président Macky Sall l’a nommé Directeur des routes le 3 janvier 2018. À la suite de la réorganisation du ministère des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, à laquelle il a activement contribué, il a été désigné premier Directeur général des Infrastructures routières et du désenclavement.

Sous son leadership, cette nouvelle direction a gagné en visibilité, en crédibilité et en attractivité, s’imposant comme une structure stratégique majeure.

Un style de gestion salué par ses pairs

Ses collaborateurs le décrivent comme un responsable rigoureux, intègre, doté d’un sens élevé du service public, respecté aussi bien par les ingénieurs que par les entreprises du secteur. Pour beaucoup, il incarne une génération de techniciens dont la compétence dépasse les clivages politiques.

Un remplacement qui soulève des questions

Le départ jugé abrupt d’un directeur général aussi expérimenté interroge. Trois éléments sont généralement attendus pour justifier une telle décision.

D’abord, l’existence de fautes techniques avérées. Or, aucun audit officiel ni document ne fait état de manquements imputables à Mamoudou Alassane Camara.

Ensuite, un besoin stratégique clairement identifié. Si une réorientation est envisagée, elle n’a pas été expliquée publiquement. À ce niveau de responsabilité, un changement sans communication soulève des interrogations, d’autant plus que des sources évoquent un désaccord de méthode avec l’actuel ministre.

Enfin, le respect des prérogatives administratives constitue un point sensible. Mamoudou Alassane Camara aurait exprimé son désaccord face à la décision de limoger un chef de projet d’AGEROUTE dans des conditions jugées attentatoires à la dignité humaine, devant les caméras.

Selon plusieurs sources, il estimait que le ministre ne disposait pas des prérogatives nécessaires pour démettre un chef de projet affecté à un chantier sans faute avérée, surtout lorsque la décision interfère avec des procédures contractuelles encadrant les projets.

Cet épisode serait intervenu dans un contexte déjà tendu lié à la restructuration du ministère.

Des craintes sur la continuité technique

Le remplacement d’un directeur technique expérimenté intervient à une période sensible, marquée par une réorganisation administrative, la révision de contrats et la relance de plusieurs chantiers. Sur le terrain, ingénieurs et entreprises partenaires redoutent un ralentissement ou une rupture dans la continuité de l’exécution des projets.

Si un changement peut être envisagé, il devrait s’opérer avec méthode, garantir une transition sécurisée, préserver la mémoire technique et éviter toute confusion entre décisions administratives et considérations politiques.

Un appel à plus de clarté

Au-delà de la situation individuelle, ce cas soulève des interrogations plus larges : quels critères objectifs encadrent le remplacement d’un directeur de ce niveau ? Les règles administratives ont-elles été pleinement respectées ? La restructuration vise-t-elle uniquement l’efficacité ou répond-elle à d’autres considérations ? Quels impacts pour les projets d’infrastructures en cours ?

Le Sénégal, dans un secteur aussi stratégique que celui des infrastructures, a besoin d’un appareil technique stable, professionnel et préservé des impulsions politiques. Le départ de Mamoudou Alassane Camara laisse subsister une zone d’ombre qui appelle des éclaircissements.

Conclusion

Le remplacement de Mamoudou Alassane Camara ne saurait être réduit à une simple décision administrative. Il pose une question essentielle : peut-on écarter un technicien expérimenté sans justification transparente, au risque d’affaiblir la continuité technique des travaux publics ?

Dans un domaine aussi stratégique que les infrastructures, la compétence ne devrait jamais devenir une variable d’ajustement politique. Mamoudou Alassane Camara est présenté par ses pairs comme un patriote engagé, attaché à l’intérêt général et aux causes qu’il juge justes.

D. Camara
Professeur à la retraite
Collège Limoilou, Campus de Québec (QC), Canada




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