Les maladies cardiovasculaires connaissent une progression alarmante au Sénégal, touchant de plus en plus les enfants. Au centre cardiopédiatrique Cuomo de l’hôpital Fann, 452 enfants figurent sur la liste d’attente pour une intervention chirurgicale, a révélé le professeur Amadou Gabriel Ciss, chef du Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, lors d’une mission menée par l’ONG La Chaîne de l’Espoir.
Pour répondre à cette situation, l’organisation prévoit la construction d’un centre vasculaire, endovasculaire et cardiaque (CVEC) au sein du CHNU de Fann. Ce futur complexe viendra soutenir un centre Cuomo déjà saturé dans la prise en charge des maladies cardiaques chez les enfants et les adultes.
« Nous venons pour l’extension du centre Cuomo car il est arrivé à saturation. La liste d’attente est très importante. Le taux de mortalité lié aux maladies cardiovasculaires atteint 48 % », a déclaré Pierre Éric Cheysson, président de l’ONG.
Le projet, estimé à plus de 14 milliards F CFA, permettra de tripler les capacités actuelles avec 76 lits, cinq blocs opératoires dont une salle hybride ultramoderne, ainsi que huit lits de réanimation.
Selon le Pr. Ciss, la situation est aggravée par la croissance démographique. La population sénégalaise devrait atteindre 35 millions d’habitants d’ici 2050, dont 5,5 millions d’adultes exposés aux pathologies cardiaques. « Les AVC, infarctus et autres maladies du cœur deviendront la première cause de mortalité. Il faut anticiper par la prévention, l’information et le développement de la chirurgie cardiaque adulte », alerte-t-il.
Des causes multiples identifiées
Le spécialiste cite plusieurs facteurs expliquant cette recrudescence : vieillissement de la population, alimentation riche en graisses, sucres et sel, sédentarité, tabagisme et hausse du diabète. À cela s’ajoute un manque criant de spécialistes : seuls huit chirurgiens cardiovasculaires exercent actuellement pour 18 millions d’habitants, loin des standards internationaux.
Pour renforcer les compétences locales, un diplôme de spécialisation en chirurgie cardiovasculaire a été instauré. Chaque année, une centaine de candidats issus d’Afrique subsaharienne et du Maghreb postulent. « Dès qu’un Sénégalais s’inscrit, il est priorisé. La formation est longue — huit ans après le doctorat — mais indispensable. Actuellement, six jeunes Sénégalais achèvent leur formation en France et rejoindront bientôt le pays », précise le Pr. Ciss.
Un défi social et régional
Au-delà des moyens humains, la prise en charge financière reste un problème majeur. « Beaucoup de familles n’ont pas les moyens de payer une chirurgie. Nous discutons avec l’État pour améliorer l’accessibilité », souligne le professeur.
Depuis son ouverture, le centre Cuomo a déjà opéré plus de 1 500 patients, dont 1 100 enfants. Sa renommée dépasse le Sénégal, avec des patients venus de la Gambie, Guinée-Bissau, Guinée, Mali, Niger, Congo, Côte d’Ivoire, Cameroun et Sierra Leone. Rien que dans la sous-région, 112 enfants ont été opérés à Dakar.
seneweb