
Chaque coin de rue devient un espace de dévotion vivante. Des marmites fument, les effluves de clous de girofle et de grains de café torréfiés se répandent dans l’air chaud du soir. Le va-et-vient autour des thermos, des sachets et des gobelets en plastique crée une atmosphère presque festive. Mais derrière cette agitation se cache une intention profonde : honorer Serigne Touba et se préparer spirituellement au Magal, même à distance. « Ce n’est pas seulement du café qu’on distribue, c’est de l’amour, de la reconnaissance et un engagement envers l’œuvre de Cheikh Ahmadou Bamba », confie un jeune homme du quartier Médina Fall. Dans de nombreux coins de Thiès, cette tradition prend de l’ampleur année après année. Les initiatives sont souvent spontanées, mais portées par un esprit collectif très fort. Certains quartiers créent même des teams organisées, avec un responsable du sucre, un autre des gobelets, et un troisième chargé de l’ambiance spirituelle : chants religieux, récitations de Khassida, ou simple zikr. « Tout le monde ne peut pas aller à Touba pour le Magal, mais le Magal vient à nous. Le café Touba, c’est notre manière d’entrer dans l’ambiance, de montrer qu’on est là, avec notre foi et notre énergie », explique une jeune fille, tout en remuant une grande marmite fumante. Cette effervescence populaire est emblématique de la dimension communautaire du Magal, qui dépasse les frontières géographiques de Touba pour se vivre partout où bat un cœur mouride. Que ce soit à Thiès, Dakar, Ziguinchor ou dans la diaspora, chaque fidèle trouve sa manière d’honorer cette date historique, commémorant l’exil de Cheikh Ahmadou Bamba vers le Gabon en 1895. En attendant le grand jour, les rues de Thiès continuent de s’imprégner de cette douce odeur de café Touba, mélange subtil de spiritualité, de solidarité et de générosité. Chaque gorgée partagée devient une invocation silencieuse, une promesse renouvelée de marcher dans les pas du fondateur du mouridisme.