Entre errance, drame et questions sur la prise en charge des malades mentaux
Un suivi psychiatrique régulier, mais…
Habibou D. avait entrepris, comme à l’accoutumée, le long voyage Dakar–Tambacounda pour conduire son fils, Thierno Shakir D., suivi pour des troubles psychiatriques depuis plus de deux ans, au centre psychiatrique de Djinkoré. Père et fils étaient arrivés la veille. Après la consultation, le père s’absente un instant pour acheter les médicaments prescrits. C’est à ce moment que tout bascule.
Une fuite inattendue
Profitant de l’absence de son père, Thierno Shakir quitte discrètement le centre et parvient à embarquer dans un bus à destination de Dakar. Très vite, le personnel de transport remarque son comportement instable et l’absence de ticket. Il est alors contraint de descendre à Lycounda, un petit village isolé.
La rencontre fatale avec Aissatou C.
Errant sur la route, Thierno croise Aissatou C., assise au bord du chemin dans le village de Saré Gayo, à trois kilomètres de Koussanar. Brusquement, il l’agresse et la contraint à un rapport sexuel. Ses cris de détresse alertent un jeune garçon du village. Ce dernier, témoin direct de la scène, mobilise le voisinage qui parvient à arracher la victime des mains de son agresseur.
Un discours délirant
Maîtrisé puis livré à la gendarmerie, Thierno Shakir reconnaît les faits. Ses propos témoignent de son état mental instable : il dit avoir voulu « assouvir sa curiosité de coucher avec une femme » et se présente comme « Adam », en mission divine.
Déféré malgré la maladie
Selon L’Observateur (édition du 10 septembre), le jeune homme a été placé en garde à vue puis déféré au parquet du tribunal de grande instance de Tambacounda. Une décision qui soulève un vif débat : fallait-il l’inculper comme un criminel ordinaire ou le réorienter vers un cadre médical adapté ?
Le silence assourdissant autour des victimes et des familles
Au-delà du choc vécu par la victime, qui a échappé de justesse à un drame irréparable, ce fait divers met en lumière la détresse des familles qui, souvent démunies, se battent seules pour encadrer leurs proches souffrant de troubles psychiatriques. Habibou D., le père, se retrouve aujourd’hui dans une situation paradoxale : il avait voulu soigner son fils, mais se voit désormais mêlé à une affaire criminelle.
Une question de société
Cet incident relance les interrogations sur :
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La sécurité des malades mentaux laissés à eux-mêmes lors des déplacements.
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L’insuffisance des structures psychiatriques régionales, obligeant les familles à parcourir des centaines de kilomètres.
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La protection des tiers et la prise en compte des risques que peuvent représenter certains patients en rupture de traitement.