
À Bona, dans la région de Sédhiou, le désespoir grandit parmi les éleveurs, victimes d’un vol de bétail devenu endémique. Ya Khady Tamba, veuve et mère de quatre enfants, incarne ce drame. Son troupeau de dix bœufs, fruit de longues années de labeur et d’économies, a disparu en une nuit. « Je me suis réveillée et les enclos étaient vides. Mes bœufs ont disparu. Je n’ai plus rien », confie-t-elle, la voix brisée. Aujourd’hui, elle vit sans ressources, dépendante du soutien extérieur, mais demande avant tout que l’on mette fin à ce fléau qui ruine les familles.
Une hémorragie économique
Selon Lamine Sané, président du comité local de lutte contre le vol de bétail, plus de 2 000 têtes ont été dérobées en deux ans dans la commune de Bona. Un chiffre alarmant qui traduit une véritable saignée économique. Les voleurs, bien organisés et souvent armés, opèrent la nuit entre 3h et 4h du matin. Ils détachent les animaux en silence, les mènent à pied jusqu’aux zones forestières, puis les transportent à l’aide de taxis-bagages ou de tricycles vers des zones frontalières comme Bignona, Kafountine ou Médina Wandifa.
Des éleveurs laissés à eux-mêmes
À Bounkiling, la lutte a pris des allures de combat de survie. « Nous sécurisons nos bétails au péril de notre vie. Nous sommes seuls face à des criminels bien équipés », déplore Aliou Sané, un paysan de la commune. Armés seulement de lampes torches et de bâtons, les éleveurs organisent des rondes nocturnes, au risque de tomber dans des embuscades. Leur courage ne suffit pas à compenser l’absence d’appui matériel et logistique de l’État.
Une loi qui dort dans les tiroirs
Pour les éleveurs, la loi n°2014-27, qui criminalise le vol de bétail, existe dans les textes mais reste inapplicable sur le terrain. Beaucoup dénoncent une législation laissée en suspens, au même titre que les promesses électorales faites aux éleveurs. Sans mesures concrètes, préviennent-ils, Bona et d’autres villages de Sédhiou risquent de sombrer dans une misère silencieuse, où chaque nuit se transforme en menace.