En employant le terme inédit de « Tera meeting », Ousmane Sonko entend frapper les esprits.
Ce néologisme, au-delà de son ton provocateur, traduit une volonté de repousser les limites des mobilisations politiques traditionnelles, comme le Pastef l’a souvent fait dans son histoire.
« Ce ne sera pas un Giga meeting, mais un Tera meeting », a-t-il lancé, faisant référence à une échelle supérieure.
Symboliquement, le “tera” étant mille fois plus grand que le “giga”.
Derrière la formule, une stratégie claire : remobiliser la base militante du Pastef, parfois frustrée ou déçue par les compromis du pouvoir, et rappeler la capacité de mobilisation populaire qui a fait la force du mouvement patriote avant son accession à l’État.
L’annonce intervient dans un contexte où le gouvernement Sonko fait face à ses premiers défis majeurs : inflation persistante, tensions sociales dans les universités, et débats sur la gouvernance économique.
En déclarant vouloir parler de « l’État, son fonctionnement et sa gestion », Sonko semble vouloir reprendre la main sur le récit gouvernemental.
Ce meeting ne sera pas qu’un simple rassemblement : il s’agit d’un bilan politique mi-mandat, déguisé en mobilisation populaire.
Il veut montrer que Pastef n’a pas perdu son âme révolutionnaire, même après avoir accédé au pouvoir, et que les idéaux de transparence et de rupture restent au cœur de son projet.
Le parking du Stade Léopold Sédar Senghor, capable d’accueillir des dizaines de milliers de personnes, a été retenu comme site du « Tera meeting ».
Un lieu hautement symbolique : il fut, durant des décennies, le théâtre des grands rassemblements politiques du Sénégal — du Parti socialiste au PDS, puis de l’opposition des années 2010 et 2020.
En y installant son grand retour, Ousmane Sonko inscrit Pastef dans la continuité des grandes forces politiques nationales, tout en affirmant sa différence.
Ce choix s’inscrit aussi dans une logique de démonstration de puissance : prouver, face à ses adversaires et aux sceptiques, que Pastef conserve un ancrage populaire massif malgré l’usure du pouvoir.
Depuis son installation à la Primature, Ousmane Sonko avait adopté un ton plus institutionnel, laissant à d’autres cadres de Pastef le soin de défendre les positions du parti.
Mais cette annonce signe clairement le retour du Sonko tribun, celui qui galvanise les foules et parle directement aux Sénégalais.
Il s’agit d’une reprise de contrôle du récit politique à un moment où son gouvernement est sous observation.
En s’adressant directement au peuple, il contourne les canaux classiques et réactive le lien émotionnel qui avait fait sa popularité.
Ce « Tera meeting » revêt plusieurs enjeux stratégiques :
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Ressouder les troupes après les premiers mois de gouvernance et les tensions internes au sein du parti.
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Clarifier la ligne politique de Pastef au pouvoir, entre rupture et gestion d’État.
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Préparer le terrain pour les élections locales et législatives à venir, où le parti devra défendre son bilan.
Il pourrait aussi servir de tribune pour redéfinir le rapport entre l’État et le peuple, en rappelant que Sonko demeure le porte-voix des frustrations sociales.
Le « Tera meeting » du 8 novembre s’annonce donc comme un moment charnière du quinquennat Sonko.
Il pourrait marquer un tournant politique : soit le début d’un nouvel élan pour Pastef, soit l’ouverture d’un cycle de tensions si les attentes populaires ne trouvent pas de réponse concrète.
Quoi qu’il en soit, le pari du 8 novembre sera scruté de près, au Sénégal comme à l’international.
Car au-delà du show politique, il s’agira de savoir si Ousmane Sonko peut encore incarner la rupture tout en exerçant le pouvoir.

