Invité dimanche sur l’émission Point de Vue de la RTS, Cheikh Ba, président de l’Union des magistrats du Sénégal, a dressé un portrait sans concession de l’état actuel de la justice. Entre effectifs insuffisants, cabinets d’instruction saturés et surpopulation carcérale, son intervention a mis en lumière la forte pression pesant sur le système judiciaire.
Dès le début de son intervention, Cheikh Ba a tenu à rappeler que la magistrature sénégalaise reste parmi les plus solides du continent, héritière d’une longue tradition et dotée d’une compétence reconnue. Selon lui, l’opinion publique retient surtout les affaires pénales spectaculaires, alors que la justice exerce un rôle bien plus large, souvent méconnu.
L’essentiel de son propos s’est concentré sur la charge de travail des magistrats. Le pays compte actuellement 546 magistrats pour 18 millions d’habitants, dont seulement 425 sont en poste dans les juridictions. Les autres sont affectés à la Cour suprême, à l’administration centrale ou en détachement. À Kaolack, un juge d’instruction gère près de 750 dossiers, tandis qu’à Ziguinchor, un magistrat suit 250 affaires. À Dakar, certains cabinets dépassent régulièrement 600 dossiers, rendant difficile le respect du principe de célérité et alimentant les frustrations des justiciables.
Le manque de greffiers aggrave encore cette situation. Alors qu’il faudrait deux greffiers par magistrat, le pays n’en compte que 552, dont plusieurs détachés ailleurs. Pour Cheikh Ba, la lenteur de la justice n’est pas due à un défaut d’engagement, mais à une surcharge structurelle.
Sur la question sensible des mandats de dépôt, il précise que les décisions se prennent au cas par cas, en fonction de la gravité des faits et des impératifs de sécurité. Le juge d’instruction reste totalement indépendant et peut parfois clore un dossier en un mois si les conditions le permettent.
Enfin, l’explosion de la population carcérale représente un défi majeur. Le Sénégal n’a construit aucune grande prison depuis l’indépendance, alors que les établissements existants accueillent trois fois plus de détenus que leur capacité. Au 10 novembre 2025, on comptait 15 654 détenus, dont 7 077 en détention provisoire. Cette situation met l’administration pénitentiaire sous forte pression, même si elle parvient à gérer la crise, à quelques incidents près.
