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L'Actualité au Sénégal

Article n°10531


Rédigé le Mercredi 8 Octobre 2025 à 10:53 | Lu 28 fois Rédigé par Lat Soukabé Fall


Ce devait être une aventure patriotique exemplaire. Une expérience pilote pour redonner souffle au monde rural, dynamiser les politiques agricoles locales et rapprocher l’administration des producteurs. Mais deux mois après leur déploiement, les 1 000 volontaires de l’Agriculture, formés avec rigueur et discipline au Centre national d’entraînement tactique du Capitaine Mbaye Diagne de Thiès, tirent la sonnette d’alarme.


Engagés à servir le pays « sans revendication ni contrepartie », ces jeunes Sénégalais — venus de toutes les régions — dénoncent aujourd’hui une situation de plus en plus insoutenable : absence d’indemnités, manque de moyens matériels et précarité totale sur le terrain.

Une mission ambitieuse, mais fragilisée

Lancé en grande pompe, le Programme des volontaires de l’Agriculture visait à créer une nouvelle génération d’acteurs de développement rural. Les jeunes sélectionnés ont suivi une formation technique et civique intensive, axée sur la connaissance du monde agricole, la communication communautaire, le leadership local et la promotion du volontariat national.

À l’issue de cette formation, ils ont été déployés dans les communes pour accompagner les producteurs, appuyer les services agricoles et soutenir les élus locaux dans la mise en œuvre des politiques de souveraineté alimentaire. Leur rôle devait être clé : vulgariser les bonnes pratiques, encourager les regroupements coopératifs et servir de relais entre les services techniques et les exploitants.

Mais sur le terrain, le rêve tourne peu à peu au désenchantement.

Une précarité grandissante

Dans un communiqué transmis à FD Média, les volontaires font un constat amer :
« Depuis quelque temps, les volontaires de l’Agriculture ont été affectés dans leurs communes respectives sans avoir perçu leurs indemnités. De plus, les outils indispensables à l’exécution de leurs missions, tels que les tablettes connectées, les équipements de protection individuelle (EPI), ainsi que les moyens de transport et de communication ne leur ont pas été fournis. »

Conséquence directe : beaucoup peinent à vivre décemment. Sans rémunération ni appui logistique, ces jeunes censés impulser le changement en milieu rural se retrouvent dans une détresse croissante. Certains sont hébergés temporairement chez des proches, d’autres dorment dans des conditions précaires ou manquent de quoi se nourrir.
« Nous avons accepté cette mission avec foi et engagement. Mais aujourd’hui, beaucoup d’entre nous sont épuisés. Nous travaillons sans ressources, sans outils, parfois à des dizaines de kilomètres des villages à accompagner », confie un volontaire basé dans la région de Kaffrine.

Un programme menacé

Ce manque de soutien compromet directement la réussite de ce programme pilote. Les missions d’encadrement et de sensibilisation nécessitent des déplacements fréquents, des supports numériques et une coordination constante avec les services déconcentrés du ministère de l’Agriculture. Or, sans moyens de transport ni connexion stable, ces tâches deviennent presque impossibles.

Les volontaires soulignent aussi l’impact psychologique de cette situation. L’engagement civique qui les animait s’effrite face aux réalités économiques. Certains envisagent même d’abandonner leur poste si rien n’est fait.
« Nous ne voulons pas trahir notre serment, mais comment continuer à travailler sans moyens, loin de nos familles et sans ressources ? », s’interroge une volontaire affectée dans le nord du pays.

Appel pressant aux autorités

Conscients de la portée symbolique de leur engagement, les volontaires demandent à l’État de régulariser urgemment leur situation. Ils sollicitent le paiement des indemnités promises, la dotation en matériel de travail (tablettes, EPI, motos ou bicyclettes) et une meilleure coordination avec les services techniques locaux.

Leur cri du cœur s’adresse directement au ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, tutelle du programme. Ils rappellent que leur mission est stratégique dans la mise en œuvre des politiques agricoles et le suivi des exploitations familiales.
« Nous voulons simplement être mis dans les conditions de servir dignement notre pays. Ce programme est porteur d’espoir pour le monde rural. Mais il ne peut réussir si les volontaires sont laissés pour compte », conclut le communiqué.

Un test grandeur nature pour le volontariat national

Cette crise met en lumière un enjeu plus large : la pérennisation des programmes de volontariat d’État. Après les volontaires de la santé, ceux de la jeunesse et du numérique, les volontaires de l’Agriculture représentent un maillon essentiel dans la politique de mobilisation citoyenne. Leur succès — ou leur échec — servira de baromètre pour évaluer la crédibilité de ce modèle.

Pour l’heure, ces 1 000 jeunes, disséminés dans les 557 communes du pays, attendent un signal fort de l’État.
Leur détermination à servir demeure, mais leur patience s’effrite.



Lat Soukabé Fall

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