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Maternité en détresse à Daharatou : une urgence sanitaire dans l’oubli


Rédigé le Mercredi 30 Juillet 2025 à 12:54 | Lu 84 fois Rédigé par


À Daharatou, la maternité vétuste met en danger femmes enceintes et nouveau-nés. Manque d’équipements, bâtiment délabré, tricycle-ambulance… un cri d’alerte face à l’urgence sanitaire.


 

À Daharatou, village situé à 25 kilomètres de Kidira dans la région de Tambacounda, la maternité du poste de santé se trouve dans un état alarmant. Espaces étroits, murs fissurés, absence de ventilation, lits d’accouchement inadéquats, hygiène défaillante et un tricycle vétuste servant de moyen d’évacuation : les conditions y sont précaires et indignes.

Ce bâtiment, censé être un lieu de sécurité pour les femmes enceintes, apparaît plutôt comme un abri fragile. Il représente une menace réelle pour la santé publique. Avec une population de 7 021 habitants, dont 1 699 femmes en âge de procréer et 310 grossesses attendues en 2025, le village — aussi appelé Wouré Thierno — est divisé en cinq quartiers et ne dispose que d’un infirmier chef de poste (ICP) et d’une seule sage-femme.

En poste depuis 2022, Dieynaba Sow alerte sur la gravité de la situation : « Les femmes continuent de venir accoucher dans des conditions précaires. La salle de soins n’a même pas l’essentiel. » C’est ce qu’elle a déclaré le mardi 29 juillet, lors d’une caravane de presse organisée par l’AJSPD en collaboration avec la Direction de la santé de la mère et de l’enfant (DSME), dans le cadre du projet Buffet.

Un bâtiment construit par la communauté… aujourd’hui délabré

La maternité a vu le jour il y a neuf ans grâce à l’initiative des femmes du village et à l’implication de l’ancien ICP. Chacune a cotisé entre 200 et 300 FCFA pour ériger l’infrastructure avec des matériaux locaux comme le banco. Même la peinture a été réalisée par le personnel médical. Mais aujourd’hui, les pluies s’infiltrent jusque sous les lits. Le bâtiment ne dispose que de deux pièces : l’une fait office de salle de consultation, d’hospitalisation, de travail et de suites de couches, l’autre est réservée aux accouchements.

« Le toit en zinc est endommagé, la charpente est affaiblie, et l’eau s’infiltre pendant les accouchements. On s’adapte, mais c’est dangereux », regrette Dieynaba Sow. Elle ajoute : « Les murs sont trempés et fissurés. Cette saison des pluies pourrait provoquer un effondrement. Nous avons envisagé de déménager d’ici août si la situation empire. Ce serait risqué de rediriger les patientes vers Kidira. Et il y a même des serpents dans les locaux. »

Un tricycle comme unique moyen d’évacuation

Une entreprise avait entamé la construction d’une nouvelle maternité dans le cadre de sa RSE, mais les travaux sont suspendus depuis quatre mois sans explication. La peur gagne les femmes qui, de plus en plus, préfèrent accoucher à domicile plutôt que de risquer leur vie dans ce bâtiment en ruine. Résultat : le taux d’accouchement à domicile atteint 8 % pour le premier semestre 2025, contre 4 % pour toute l’année précédente.

Autre défi, l’unique moyen de transport est un tricycle, ironiquement surnommé « mon VIP » par la sage-femme. Ce véhicule est utilisé pour transporter les cas urgents — éclampsie, HTA, hémorragies — jusqu’au centre de santé de Kidira. Mais il est instable, tombe souvent en panne, et les routes sont difficiles d’accès. Certaines femmes accouchent en route, et des cas d’avortement sont fréquents.

Mariages précoces, malnutrition et pauvreté

Les dangers ne se limitent pas aux infrastructures. Les mariages précoces, fréquents dès 12 ou 13 ans, provoquent des accouchements dystociques. Les jeunes filles sont souvent mal nourries. En l’absence de leurs époux, qui partent en transhumance durant neuf mois, certaines mangent du sable pendant la grossesse, faute de nourriture. « Parfois, elles n’ont même pas 500 FCFA pour une consultation », explique la sage-femme.

Le taux de planification familiale est aussi en chute. Malgré les efforts de sensibilisation et les réunions discrètes organisées avec le soutien des bajenu gox, la PF reste taboue. Les femmes craignent d’être répudiées si elles s’y engagent ouvertement.

Un appel urgent à l’aide

Adama Ndoye Mabel Guissé, l’ICP, rappelle que leur mission est de fournir des soins essentiels aux communautés rurales, notamment en santé maternelle et infantile. Il plaide pour une dotation en matériel médical et bureautique, une ambulance médicalisée, la finition des travaux de la nouvelle maternité, le démarrage du chantier du logement de l’infirmier, l’envoi d’un second agent sage-femme, et la mise à disposition d’un appareil d’échographie. Il appelle aussi à la construction d’une case de santé pour mieux desservir la zone.




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