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Keur Massamba Guèye II : Une décharge à ciel ouvert au cœur des habitations de Thiès


Rédigé le Mardi 20 Mai 2025 à 15:28 | Lu 50 fois Rédigé par


À Keur Massamba Guèye II, une décharge sauvage de 6 hectares expose les habitants à des fumées toxiques quotidiennes. Entre survie, pollution et insalubrité, enquête sur un fléau environnemental à la lisière de Thiès.


 

Au cœur de Keur Massamba Guèye II, un quartier situé en périphérie de Thiès mais administrativement rattaché à Fandène, une gigantesque décharge sauvage s’étale sur près de 6 hectares, engendrant une crise environnementale aiguë. Encerclée par les habitations, cette montagne de détritus fumants constitue un danger sanitaire permanent pour les milliers de personnes qui y vivent au quotidien.

Dès l’aube, la décharge s’anime. Hommes, femmes, enfants, et même animaux errants y fouillent les déchets, à la recherche de matériaux recyclables. Sur place, le spectacle est saisissant : des silhouettes, souvent sans protection, s’activent dans les ordures, dans une atmosphère saturée de fumées noires.

“On meurt à petit feu avec cette fumée constante,” se lamente Hadja Aminata Ndiaye, habitante du quartier depuis plus de dix ans. Sa maison, perchée au-dessus de cette mer d’ordures, est constamment enveloppée de nuages de fumée provenant de la combustion de plastique, de pneus et d’autres résidus toxiques.

Le dépôt, installé dans une ancienne carrière de calcaire, est si vaste qu’il est visible depuis la route menant à Mbour. Les récupérateurs y allument régulièrement des feux pour extraire des matériaux, provoquant d’épais panaches qui obstruent la visibilité et étouffent le voisinage.

Aïssata Aw, une autre résidente, témoigne de sa détresse : “Pendant ma grossesse, j’ai dû déménager sur les conseils de mon médecin. La fumée, la suie sur les meubles, tout était devenu insupportable.” Autour de sa maison, des poches de feu s’activent spontanément, exacerbées par les vents. Des braises sont transportées dans l’air, créant un risque permanent d’incendie.

“Les flammes sont partout autour de nous,” confie Awa Ly, habitante du quartier depuis 2012. Elle, comme d’autres, a dû s’adapter à cette réalité : vivre avec des masques, même à l’intérieur des maisons.

Mais ce sont surtout les enfants qui paient le prix fort. L’école primaire Keur Massamba Guèye II, voisine immédiate de la décharge, accueille près de 500 élèves. Leur quotidien est rythmé par la fumée et les évacuations sanitaires.

Mamadou Fall, directeur de l’établissement, tire la sonnette d’alarme : “Parfois, l’air devient irrespirable, on est obligés de libérer les classes. Les plus petits tombent souvent malades, et l’équipe pédagogique doit intervenir avec ses propres moyens.”

Malgré tout, la vie continue. Des centaines de récupérateurs, comme Fanta Diawara, quadragénaire active sur le site depuis deux décennies, bravent les risques chaque jour. Leur activité, bien que marginale, est devenue un mode de subsistance. “C’est notre gagne-pain,” dit-elle. “On trie, on accumule, et on vend par kilo : plastiques, ferraille, bidons.”

Le prix de vente est dérisoire : 50 francs le kilo de sachets plastiques ou de bouteilles, 100 francs pour les plastiques durs. Il faut parfois amasser plus d’une centaine d’objets pour espérer gagner quelques milliers de francs.

Les recycleurs de fil de fer, quant à eux, brûlent les pneus pour en extraire le métal. Ibrahima Diop, habitué de l’opération, confie : “On est conscients des risques, mais on n’a pas le choix. Le soir, je bois du lait, ça aide.”

Ironiquement, malgré la pollution extrême, le quartier ne cesse de se développer. De nouvelles maisons poussent autour de la décharge, témoignant d’un urbanisme anarchique. Des familles entières vivent à proximité directe du feu, dans un air vicié.

Selon la SONAGED, les camions-bennes ne déversent plus leurs charges dans cette décharge depuis 2022. Mais les charretiers continuent, maintenant seuls utilisateurs du site. Un site provisoire aurait été ouvert dans la commune de Pout pour remplacer celui de Keur Massamba.

Pour les habitants, cependant, la réalité reste inchangée. Les déchets s’accumulent, les feux se multiplient, et l’air reste irrespirable. Une fermeture officielle ne signifie pas nécessairement la fin de la souffrance des riverains.

APS




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