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"Derrière les murs de la MAC de Thiès : un témoignage sans filtre"


Rédigé le Dimanche 27 Juillet 2025 à 19:46 | Lu 43 fois Rédigé par Lat Soukabé Fall


Je m’appelle Alioune, j’ai 34 ans. J’ai été incarcéré à la Maison d’Arrêt et de Correction de Thiès pendant 3 ans et 2 mois. J’ai été arrêté pour vol aggravé. J’ai fait des erreurs, je ne le nie pas. Mais rien ne m’avait préparé à ce que j’allais vivre là-bas.


 "Derrière les murs de la MAC de Thiès : un témoignage sans filtre"

  Le jour de mon arrestation

Tout est allé très vite. Une plainte, une arrestation brutale, une garde à vue difficile. On m’a conduit à la prison comme on jette un sac dans un coin. Sans explication, sans respect. On ne vous demande pas si vous êtes prêt, on vous balance dedans. Quand les grilles ont claqué derrière moi, j’ai senti que ma vie allait basculer.

  Mon arrivée à la prison

Dès l’entrée, j’ai compris que c’était un autre monde. Une cinquantaine de détenus par cellule. Pas de lit, pas de matelas. On dormait à même le sol, à tour de rôle. Il faisait une chaleur étouffante, et l’odeur… mélange de sueur, d’urine, d’humidité. C’est l’enfer en silence.

  Manger pour survivre

La nourriture servie était presque immangeable. Un plat de riz sans goût, parfois moisi. Ceux qui avaient des familles dehors survivaient mieux : ils recevaient des colis. Les autres, comme moi au début, devaient quémander ou se soumettre à d’autres pour une cuillère de plus. La faim est une arme dans cette prison.

  L’injustice avant la justice

J’ai attendu 14 mois avant mon procès. J’étais en détention provisoire, comme la majorité des prisonniers. On attend, sans date, sans information, sans avocat parfois. C’est ça la pire torture : ne pas savoir quand ça va finir.

  La loi du plus fort

À la MAC, il n’y a pas de pitié. Ce sont les anciens détenus, les plus puissants, qui font la loi dans les cellules. Ils contrôlent tout : la nourriture, les places pour dormir, les petits trafics. Si tu refuses de te soumettre, tu te fais tabasser. Ou pire. Moi, j’ai dû me taire pour survivre.

  Garder la tête haute

J’ai connu des moments où je voulais me suicider. Mais j’ai tenu grâce à la prière, et à un surveillant humain, un seul, qui parfois nous parlait comme à des hommes. Ce sont ces rares moments qui m’ont rappelé que j’étais encore vivant.

  Le jour de la liberté

Quand on m’a dit que j’étais libre, j’ai ressenti… du vide. Parce que je sortais sans rien. Sans travail, sans maison, sans repère. Mais j’ai aussi compris que je ne voulais plus jamais retourner là-bas.

Aujourd’hui, je travaille comme apprenti maçon. Je gagne peu, mais je suis libre. Et j’ai une mission : dire ce que j’ai vu, ce que j’ai vécu, pour que les choses changent. On peut punir sans détruire. On peut enfermer sans humilier.

> “Un jour, j’aimerais pouvoir revenir à la MAC. Pas comme détenu, mais comme témoin. Pour parler aux jeunes, pour leur dire qu’il y a toujours un autre chemin "

 



Lat Soukabé Fall