Le Sénégal ambitionne de transformer localement au moins 50 % de sa production nationale de noix d’anacarde au cours des cinq prochaines années. C’est ce qu’a annoncé mardi le ministre du Commerce et de l’Industrie, Serigne Guèye Diop, lors d’un comité régional de développement (CRD) tenu à Ziguinchor.
« Il n’est plus acceptable d’exporter notre matière première brute sans en tirer de réels bénéfices industriels. Il est temps de changer de cap », a déclaré le ministre, appelant à une stratégie industrielle forte pour développer la transformation locale de l’anacarde.
Actuellement, le Sénégal exporte l’essentiel de sa production vers l’Asie, sans ajout de valeur sur le territoire national. En 2024, plus de 79 000 tonnes de noix brutes ont été expédiées, générant des recettes dépassant 52 milliards de francs CFA. Toutefois, 84 % de ces exportations étaient destinées à l’Inde et 16 % au Vietnam, sans transformation préalable, a déploré le ministre.
Serigne Guèye Diop a insisté sur la nécessité de renforcer les capacités industrielles du pays : « Notre objectif est clair : produire des produits finis au Sénégal, créer des emplois durables et assurer une meilleure redistribution des richesses. »
Dans cette dynamique, plusieurs mesures seront mises en œuvre dès la prochaine campagne de commercialisation. Parmi elles, la création d’une fenêtre d’achat exclusive pour les industriels, afin qu’ils puissent constituer des stocks suffisants de matières premières sans subir les fluctuations du marché.
Une réforme réglementaire est également prévue, incluant l’instauration obligatoire d’un numéro d’agrément pour chaque acteur de la filière. Cette initiative vise à structurer le secteur, garantir la traçabilité et assainir les pratiques commerciales.
Par ailleurs, un séminaire national de haut niveau sera organisé en 2025 à Ziguinchor. Il portera notamment sur l’établissement d’un prix plancher pour le kilogramme de noix, ainsi qu’une taxe d’exportation fixe, afin de stabiliser les revenus des producteurs et renforcer la visibilité des transformateurs.
Le ministre a salué les avancées scientifiques réalisées par l’Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA), qui œuvre au développement de variétés d’anacardiers plus productives et plus résistantes.
Des voix issues du secteur privé, comme Xavier Diatta, transformateur basé en Casamance, ont soutenu cette orientation. Il a averti qu’« en l’absence de réformes structurelles, le pays continuera de perdre des milliards et d’épuiser ses ressources ».
Même son de cloche du côté de Jean-Pascal Éhemba, président de la Chambre de commerce de Ziguinchor, qui insiste sur l’urgence de renouveler les plantations vieillissantes et de professionnaliser les unités de transformation locales pour assurer la compétitivité du secteur.